lundi 8 juin 2015

J'étais allongée sur le lit de mon amie. Elle faisait des tresses et je suçais du caramel en me demandant si le sucre aurait le temps de se transformer en graisse et de se coller sur mes omoplates ou si il allait magiquement disparaitre dans ma salive. La deuxième option me sembla la plus plausible, alors j'en ai repris un autre.
On parlait de la vie, de tout et de rien, du prix de la pose des faux cils un à un, et d'un voyage à Londres en train. Je voulais écrire tout l'article en rime. Mais je viens de découvrir que je suis assez nulle. Et je trouvais rien qui rime avec train. A part Quentin.
On a mis des clips à la télé, on s'est cambré pour imiter les jamaïcaines en parlant des destinations pour l'été. Tout en sachant qu'on allait toutes finir dans nos bleds respectifs.
La discussion est devenue intéressante quand on s'est mis d'accord qu'aujourd'hui les filles noires à la peau foncée n'étaient pas à la mode.
Que le mec soit noir feutre, arabe caramel ou blanc meringue, les filles qu'il faut avoir dans son Opel aux vitres teintées sont les arméniennes/ arabes/ métisses des iles à la peau dorée comme un croissant de chez Wittamer. Les filles aux cheveux naturellement bouclées, à la peau lisse et fruitée. Epilée à l'avance, de préférence.
Il y a toujours les exceptions et ton ami qui te dit qu'un tel aime les filles bien noires comme toi. Comme si tu étais une position du kama sutra hautement déconseillée, si vous souhaitez rester en vie, mais qu'il s'en fichait parce que lui, il aime les challenges.
J'écoutais les arguments en haussant mes sourcils fraichement épilés de chez l'indienne. Mes arcades me brulaient comme les portes de l'enfer mais la discussion était trop intéressante pour que je demande de la glace.
Les filles noires sont des Fatou, des filles moins chères à garder que quand on a le salaire d'un prolétaire. Nos cheveux s'achètent séparément au supermarché, juste à côté des produits de beauté et des cailloux à poncer. On parle fort, on est agressive. On est avide, exigeante mais sans ambition.
Nous les filles noires, on n'a jamais été la mode. Peut-être vite fait dans les années 90, avant que Naomi Campbell commence à griffer son personnel.
On est comme les souris noires des paquets de bonbons. On les garde pour la fin. Si on a vraiment faim. Mais d'abord, on essaye de les échanger avec quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui a plus faim que nous.
J'ai posé mon coude noir comme une nuit sans lune sur l'oreiller bleu ciel et ai soulevé ma tête en me demandant à quel moment les filles noires étaient devenues des bonbons à la réglisse.

A la télé ça twerkait et dans la chambre le ton montait. On voulait mettre la faute sur les Kim et autres Amber Rose, à ses instagrameuses aux fausses fesses qui inondent leurs âmes de Chai Tea.
Ca a parlé d'assimilation, des critères de beauté rigides de l'Occident, de manque de représentation des femmes noires dans les médias.
J'ai préparé ma bouche pour tchiper au cas où quelqu'un me parlerait de Lupita Nyong'o mais tout le monde s'est abstenu alors j'ai ravalé ma salive.
Sur Trace Tropical, une fille, à la peau claire, pleurait en dansant contre un palmier.
Je me suis recouchée en regardant le plafond. Je me suis dit que les garçons avaient du culot de ne pas trouver ma couleur de peau à la mode.
J'ai réfléchi à ma vie. Au fait que je devais faire attention avant de mettre du rouge à lèvre rose pour ne pas ressembler à un tableau de Mondrian, au fait que j'ai toujours eu des bras plus musclés que la plupart des garçons de ma classe, à mes cheveux qui ne supportent pas le vent ni l'eau, à leur ressemblance étrange avec un bébé hérisson apeuré à la sortie de ma douche. J'ai pensé à mon budget de crèmes pour le corps qui dépassait l'entendement et au fait que si je restais un jour sans hydrater mes lèvres, mes collègues penseront, sans doute, que je reviens d'une nouvelle version de Koh Lanta.

Je me suis relevée et ai rebondi sur mes fesses de Westaf. Je voulais hurler à tous les mecs, surtout aux noirs,  que si jamais, un jour je m'intéressais à leurs genoux secs, comme le poulet tajine de leur mère, ils auraient l'obligation de se sentir comme les plus chanceux des hommes. Parce que moi et mes cheveux crépus allions tellement donner de la hauteur à leur vie qu'ils pourront appeler tous leurs fils Neil Armstrong.  Mais avant que je ne mette les choses au clair, Gimme the light et les nattes de Sean Paul sont apparus à l'écran.

J'étais trop ambiancée pour continuer.






0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Popular Posts